Dépistage néonatal : le test de Guthrie amélioré flirte avec l'éthique
Actualité publiée dans "Santé et enfance" le 17/01/2013
Utilisé depuis une cinquantaine d’années, le test de Guthrie effectué dans les premiers jours de vie de l’enfant a été perfectionné et permettrait dorénavant de dépister 50 pathologies. Pour certains, cette nouvelle portée soulève un recadrage éthique.

La portée du test de Guthrie étendue à 55 pathologies
C’est un fait entendu par l’ensemble de la communauté médicale, l’efficacité d’un traitement est liée à la précocité du dépistage de la pathologie, quelle qu’elle soit.
Utilisé en France, depuis les années 60, le test d’inhibition bactérienne de Guthrie aussi appelé test néonatal du buvard va dans ce sens. Grossièrement, la technique consiste à prélever quelques gouttes de sang au niveau du talon des nouveau-nés entre le troisième et quatrième jour de vie.
Jusqu’ici, le test permettait de détecter la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie congénitale, l’hyperplasie congénitale des surrénales, la drépanocytose et la mucoviscidose grâce à ces gouttes de sang déposées sur un buvard.
Avec les progrès de la technologie, une évolution du test est rendue possible, il serait bientôt possible de déceler 50 pathologies supplémentaires avec ce même test grâce à la spectrométrie de masse en tandem. Cette nouvelle technique a reçu l’accord de la haute autorité de Santé (HAS).
Des critères d’éthique à respecter
Présentée comme une avancée médicale majeure, l’amélioration du test de Guthrie n’est pourtant pas sans poser quelques problèmes d’ordre éthique.
Plusieurs spécialistes estiment ainsi que la multiplication des maladies dépistées entraînerait un éloignement des critères retenus pour légitimer un dépistage très précoce.
C’est le cas du professeur Michel Roussey, président de l’association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant, pour qui « cette innovation soulève de nombreuses questions éthiques et pratiques auxquelles il faut être préparé ».
Le cadre du dépistage néonatal se veut en effet assez strict. Comme le précise le professeur Frédéric Huet, pédiatre au CHU de Dijon, pour qu’elle rentre dans ce cadre, la pathologie « doit notamment pouvoir être détectée de manière fiable en l’absence de symptômes cliniques et doit pouvoir être traitée avant que n’apparaissent des lésions irréversibles ».
Au final, les professionnels n’excluent pas le recours à ce nouveau programme, mais tiennent à recadrer son champ d’application. Pour le Pr Roussey, il est ainsi nécessaire « que l’on respecte les critères en vigueur depuis quarante ans, c’est-à-dire qu’il s’agisse de maladies bien connues, d’évolution sévère et qui puissent être traitées pour permettre aux enfants de vivre mieux et plus longtemps ».
Aujourd'hui plusieurs pays utilisent déjà cette technique comme l'Autriche où 29 pathologies sont systématiquement recherchées à la naissance d'un enfant.